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Un peu de lecture !

Dernière mise à jour : 22 déc. 2023

Un extrait :

— Messieurs ! Un peu de calme. À chaque fois c’est pareil, le capitaine se mit

à rire de bon cœur. Vous êtes de sacrés vaniteux les cadets ! Et je me régale

à chaque embarquement quand je distribue les affectations. Ne soyez pas

présomptueux ! Ecoutez-moi bien, il faut bien donner une mission à chacun

d’entre vous. Pour autant, une fois sur place, vous découvrirez que ce qui

vous sera demandé peut légèrement varier voire évoluer. Croyez-vous que

l’on quitte pour toujours sa patrie, sa famille, sa mère, croyez-vous qu’on

traverse l’océan à mon âge pour aller traîner le reste de sa vie sur une terre

étrangère, sans avoir en retour la certitude que la hardiesse nous y attend ? Il

fixa le groupe de jeunes hommes immobiles agglutinés devant lui. Néanmoins,

l’épreuve et le sens du devoir restent plus forts que tout. Nous représentons

de courageux guerriers pour notre nation qui compte sur notre fougue et notre

audace. Elle saura nous récompenser, soyez-en convaincus.

Après ce recadrage, ils embarquèrent et le capitaine alla se présenter auprès du

commandant. L’ordre d’appareiller fut donné depuis la dunette, le Magnifique

s’éloigna du quai. Rochefort devenait déjà un souvenir.

— Nous devrions rejoindre l’armada et jeter l’ancre avant le coucher du soleil

devant Port-aux-Barques.

— Tu sembles heureux d’être sur ce navire Robin, dit Pierre en souriant.

— Il y a trop de mélancolie le long de cette côte. Ecoute, seul le son des

cloches nous parvient, lointain. Tout s’efface et je ne suis pas triste de quitter

la grisaille charentaise. Je pars sans nostalgie.

Pierre tourna son regard vers la terre qui se découpait nettement, comme

gravée à la pointe sèche dans la lumière du petit matin. Les maisons de

pierre blanche, alignées sagement, défilaient au rythme de la navigation le

long de la Charente, laissant scintiller de temps à autre un éclair de soleil

sur une vitre comme un clin d’œil aux marins. Plus loin encore, les collines

familières ondulaient d’une teinte bleutée à cette heure du jour. Pierre respirait

à plein poumons l’air marin. Un sourire se dessina sur ses lèvres semblant

laisser paraître que leur vie prenait un chemin bien différent et attrayant, tout

simplement parce que c’était un jour singulier. Lui aussi n’était pas triste.

— Nous avons vécu de bons moments à Rochefort et regarde ce que nous

sommes devenus ! Il bomba le torse et prit la pose.

Il fit rire Robin. Il eut comme un frémissement dans tout le corps, qu’il sut

apprécier avec douceur. Quelle étrange sensation dans cet environnement

rigoureux où l’immensité océane leur promettait l’aventure ! Il se laissa

baigner dans cette atmosphère vaporeuse et ses pensées le renvoyèrent à cette

vibration qu’il apprivoisait.


La splendeur d’un ciel printanier s’étendait au-dessus des flots marins, à

travers l’immensité de l’estuaire et jusqu’aux limites de l’horizon, formait un

grand pan d’azur à peine ridé. Tandis que le Magnifique baigné de lumière

gagnait le large, la côte se déployait devant ses yeux et le littoral se découvrait

nettement. Il avait embarqué près de six mille boulets pesants des tonnes et

complété son artillerie de boulets chaînés, ramés et de la mitraille95 ainsi que

des gargousses96 remplies de poudre noire. Cet approvisionnement, nécessaire

aux combats à venir, s’était tenu à bâbord à Port-aux-Barques où une

multitude de petites embarcations faisait des va-et-vient avec les navires qui

composaient la flottille qui allait traverser l’océan. Protéger l’Arsenal de

Rochefort, défendre l’estuaire de la Charente, armer les vaisseaux en rade de

l’île d’Aix impliquait la présence au port, d’une armada de barques, d’où son

nom, pour assurer la liaison entre la rive et les navires. Une superbe enfilade de

pontons de bois sur pilotis et au loin des calèches qui descendaient la colline

chargées de matériels et d’armement pour les galions. L’armada se composait

de quatorze bâtiments splendides. Le vent sifflant dans les haubans des grands

mâts, le craquement du bois à chaque roulis d’une mer pourtant relativement

calme, l’impression d’être au centre d’un mécanisme bien huilé. Et le départ

fut donné pour le large, les cornes de brume s’ébrouèrent en chantant d’une

même voix. Le périple prenait une dimension quasi irréelle et grandiose qui

dépassait tout ce que les jeunes recrues avaient pu vivre à terre. L’immensité

de l’océan à perte de vue semblait les aspirer et contrôler leur cap.

Pierre observa la grande voile que les marins déployaient à la puissance de

leur musculature. Tête levée, il vit des matelots grimper dans la mâture et...


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